Le mot storytelling, dans son essence fondamentale, gagne à rapidement s’inscrire au cœur de stratégies concrètes plutôt que de notions vaporeuses, qui souvent servent à vendre le storytelling lui-même ou la vision de trop nombreux gourous autoproclamés. En somme, avant de parler de recettes et d’ingrédients magiques, le storytelling se doit d’être semé, cultivé et récolté sur la terre ferme autour de nous et donc, dans votre organisation.
Certaines institutions traditionnelles osent aller plus loin. Avec des résultats probants. Le Fonds FTQ et Hydro-Québec, chacune à leur manière, ont négociés de beaux virages. Comment? Simplement en partageant de bonnes histoires, de la bonne façon, en fonction de cibles multiples, et ce, avec cohérence. Elles ont adopté une approche et une tonalité distinctes, notamment en contenu de marque pour FTQ et dans les médias sociaux pour Hydro, tout en demeurant en phase avec leur positionnement.
Sur Facebook, Hydro-Québec fascine: ses gestionnaires de communauté répondent présents à l’arsenal de commentaires, parfois hautement toxiques, et ce, de manière impeccable, maniant avec dextérité rigueur, humour, détachement, sentiment de proximité et de confiance. C’est l’équilibre entre :
Ce que nous devons chercher à faire avec le storytelling, c’est :
Autre aspect crucial : si c’est une chose de créer du contenu pour valoriser des services et des produits qui existent, c’est encore plus payant de concevoir des produits ou des services en amont, en fonction de l’histoire à raconter. C’est la nuance entre :
L’idée est de passer de la théâtralisation (storytelling traditionnel) à la conception de produits ou de services pouvant se déployer dans une trame narrative riche et évolutive.
Ceci, tout en ayant l’humilité, la volonté et la capacité de reconnaître que ce qui nous intéresse ne captive pas tout le monde. À preuve, nous n’aimons pas tous les mêmes histoires, y compris certains livres ou films, pourtant qualifiés de géniaux par d’autres.
Dans ce contexte, il m’apparaît encore plus fondamental, notamment en matière de rédaction, de tendre vers l’idée, toute simple, d’aller un peu plus loin. Pas de tout chavirer. Ne serait-ce que d’avoir la volonté organisationnelle de lever quelques barrières, en s’affranchissant des buzzwords du moment – qui ne répondent qu’à d’élémentaires tendances tarifées, pour créer des piliers pouvant solidement soutenir le pouvoir du storytelling.
Car l’art de raconter des histoires, c’est d’abord celui de se transformer en historien, en anthropologue, en sociologue, en psychologue, en journaliste, en pamphlétaire, en relationniste et en stratège pour :
La tonalité m’apparaît plus importante que l’histoire elle-même. En fait, pour toute organisation qui souhaite aller un peu plus loin, trouver la tonalité juste est une quête fabuleuse, à fort potentiel d’évolution. Parce que la tonalité, c’est la manifestation de la personnalité.
Je comprends que certaines personnes ne jurent que par des formules comme « authenticité, expérience, bienveillance, changer le monde, etc. ». D’autres les trouvent galvaudées et je comprends tout autant. Or, je me questionne : les buzzwords traditionnels déployés dans la stratosphère font-ils toujours rêver? Ont-ils encore cette attractivité menant à l’engagement puis à la conversion de la cible?
Pensons aux lecteurs. Pensons à leur parler simplement. Pensons aux principes qui soutiennent le storytelling à travers le temps, depuis la grotte de Lascaux à nos jours. Ces principes restent et resteront toujours porteurs, pertinents, performants. C’est par la tonalité, davantage que par le choix de mots que l’on parvient à exprimer, manifester et faire rayonner ce que nous sommes. Trouver la bonne tonalité, c’est la clé.
Aussi, soyez vrais. Parce que si c’est déjà téméraire d’embrouiller les consommateurs ou les journalistes en édulcorant ou en magnifiant trop intensément la réalité, c’est extrêmement périlleux de tromper les personnes les plus importantes : vos employés. S’ils ne se reconnaissent pas dans votre narratif, ils vont devenir cyniques et désengagés. Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre et d’enjeux de loyauté, ce n’est pas une bonne idée.
Dans cette foulée, si votre département marketing agit et communique de manière X, les communications de manière Y et les ressources humaines de manière Z, votre organisation dilue à la source le potentiel d’un storytelling performant. Or, ce genre de déséquilibre, de manque de cohérence et de protocoles rédactionnels entre les unités, les services et les divisions, se produit (encore) trop souvent. Bien sûr, il y a des solutions.
Abordons un sujet délicat : la chaîne d’approbation. Qui, parfois, porte bien son nom, car littéralement, elle enchaîne l’approbation!
La raison d’un résultat jugé faible? Souvent, un brief initial incomplet ou peu pertinent, puis la clarté de la mission et du rôle des personnes impliquées dans la chaîne d’approbation. Autrement dit, la qualité et la connaissance des processus. Car oui, le storytelling fait partie d’un cycle de production, donc à traiter comme tel, aussi créatif et innovant soit-il. Quelle est la volonté des organisations de prendre un pas de recul, d’analyser et d’améliorer ce cycle? De mettre en place un environnement fluide, de l’idéation, à la commande, à la livraison? De se doter d’outils pérennes? Qui seront utilisés?
Or, qu’y a-t-il de plus logique que d’avoir un brief clair et profond? D’optimiser la séquence des interventions à l’étape de la chaîne d’approbation, et surtout, d’appuyer son storytelling sur le pilier le plus porteur, la confiance initiale?
Aller à Québec en R-100
Je sais, plusieurs personnes impliquées dans la chaîne d’approbation sont elles-mêmes prises entre l’arbre et l’écorce. Se demandent comment stimuler la confiance, ou comment (enfin!) avoir le courage d’exprimer leurs enjeux et leurs propres préoccupations à leur supérieur.
Or, en gestion, je l’observe notamment comme directeur général de l’Expo World Press Photo Montréal, peu importe si vous prenez la 20, la 40, la 132, un train, une montgolfière, un planeur, un kayak, un R-100 ou une licorne ailée pour faire le trajet Montréal-Québec, si l’important est d’arriver à l’heure au rendez-vous (avec les consommateurs, clients, citoyens, médias), les gestionnaires gagnent à générer de l’enthousiasme plutôt que des barrières. C’est toujours plus profitable que la simple vision de la route supposément incontournable menant au résultat.
Attention : c’est primordial de recevoir des commentaires, de la rétroaction, des précisions, surtout quand le contenu émane d’un champ de spécialisation que nous maîtrisons mal. Seulement, une chaîne d’approbation trop lourde risque (très) fort de tuer le message. Et ce manque de confiance organisationnel risque tout aussi fortement de se refléter dans le narratif, comme partout dans l’entreprise.
Alors, ce fameux storytelling, on y arrive comment? D’abord en nous assurant de bien comprendre les approches, les principes et les outils rédactionnels de base, essentiels pour échafauder des structures narratives qui reposeront sur du solide. La belle terre ferme. Qui évolue au gré des saisons.
Nous ne sommes donc pas dans les nuages. Nous sommes quelque part dans l’architecture et l’exploitation de certaines stratégies et de recherche de solutions simples, tangibles et accessibles, destinées à encourager et à mettre en œuvre une évolution, plutôt qu’une révolution.
Et pour y arriver, le storytelling a besoin de dispositifs clairs, de balises et de fondations solides, pour mieux capter l’attention, susciter l’adhésion, stimuler la conversion et ultimement, le passage à l’action.
Ce sujet vous intéresse? Poursuivez votre apprentissage avec la rediffusion de la séance Découverte en rédaction et storytelling.
—
Yann Fortier est rédacteur et formateur chez Formations Infopresse pour la Certification en rédaction et storytelling. Il est aussi directeur général du World Press Photo Montréal et membre agréé de la SQRP.